Journal de guerre de Jeannette Boutemy
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Journal de guerre de Jeannette Boutemy
Vaucottes 1939-1942
EDITIONS LES POMMIERS
Fin de vacances
1er septembre 1939, Hitler envahit la Pologne. Le 3, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l'Allemagne. Tous nos frères et cousins sont rappelés sous les drapeaux. Grand-père Decroix et les Collette n'osent regagner Lille. Nous restons avec eux à Vaucottes, ainsi que l'oncle Georges Decroix. Il fait beau. Nous rencontrons sur la plage deux Américaines, surprises en France par la guerre. Elles ont très peur de repartir, car un paquebot neutre qu'elles auraient pu prendre, a été torpillé, faisant beaucoup de victimes.
De nouveau, les Allemands violent la neutralité de la Belgique et l'envahissent. Des réfugiés belges arrivent de Vattetot où rien n'est prévu. Ils sont exténués, partis brusquement, mitraillés sur les routes. Nous aidons à l'accueil et à l'installation. Une femme sanglote, elle a perdu ses deux enfants dans l'affolement de sa fuite. Une autre a tiré au sort avec sa sœur pour savoir qui resterait sous les bombardements près de la mère paralysée. Une petite fille de 6 ans, encore terrorisée, nous raconte sa course dans les champs alors que les avions descendaient en piqué sur les fuyards pour les mitrailler. Il y a un jeune prêtre, nous lui ouvrons les portes de l'église en l'absence du curé mobilisé ; il est bientôt accusé d'être un faux prêtre et un espion. Vrai ou, peut-être, faux bruit. Le curé d'Etretat, alerté, lui fait passer un examen concluant à son état de prêtre. Notre curé, en permission, le réhabilite en public et l'abbé, bouleversé, dit lui-même la grande messe. Plus tard, il disparaît subitement. Les langues « babillent »...
On croit voir partout des espions. Une battue est organisée dans les bois à la recherche d'un prétendu parachutiste. Gendarmes, pompiers d'Yport et d'Etretat, paysans, estivants (dont nous sommes) forment une petite armée pittoresque qui s'égaille dans les bois. Le soir : « rien à signaler ». Une femme prétend l'avoir vu, pour sûr : »c'était blanc et ça faisait comme ça », geste qui ressemble à un battement d'ailes. « C'était une mouette » dit un gendarme.
L'oncle Georges et Françoise Collette alertent la gendarmerie au sujet d'un individu qui leur a demandé des renseignements un peu louches sur la route nº 25. Nous partons, à vélo, à la recherche du suspect, puis à pied, dans le bois : rien ! Enfin, dans l'après-midi, arrivent deux gendarmes poltrons et suffisants. « C'est trop dangereux de chercher dans les bois, peut-être aussi que des espions se cachent dans les fours à chaux ». Mais, seulement, à deux gendarmes, c'est imprudent de s'y risquer et ils nous conseillent d'y aller en nombre, munis de fourches, de crocs et de tout ce qui peut servir d'armes et ils s'en vont gonflés d'importance, cachant leur frousse.Je ris bien, car, chaque jour, je vais seule dans les carrières avec un lampion vacillant, arroser les champignons que j'ai plantés dans une meule de crottin de cheval, amassée à grande peine. C'est pourquoi mes neveux Deschodt m'ont surnommée « tante crottin ».
Je réunis les enfants en un petit jardin d'enfants familial et commence à apprendre à lire aux plus grands des petits. Thérèse fait travailler Geneviève Collette plus âgée. Nous allons à Vattetot aux réunions de jeunes filles de la jeunesse agricole catholique, groupe qui devient par la suite très amical.
Françoise remarque les allées et venues nocturnes et matinales d'un estivant de Vaucottes. Il n'est pas mobilisé et se dit Alsacien. Un soir, nous voyons deux petites lumières échanger des signaux morses entre un bateau en mer et un point de la côte qui semble sortir d'une fenêtre de sa maison. Cet homme a disparu pendant la débâcle et n'est jamais revenu à Vaucottes. Mystère !
L'hiver 1940
Cette guerre est surnommée la « drôle de guerre ». On ne se bat pas. Les soldats sont démoralisés et la vie à vaucottes serait charmante si ce n'est les inquiétudes de l'avenir et tous les hommes mobilisés. Puis, au début de l'hiver, la mort de grand-père, enlevé en quelques jours par une pneumonie. L'hiver est rude. Un matin, nous nous réveillons devant un paysage superbe. La gelée s'est cristallisée sur les arbres, prenant des formes extraordinaires. C'est un spectacle féérique, mais les branches cassent sous le poids de la glace, et les arbres s'écroulent dans de sinistres craquements. On ne peut sortir sans risque. Puis c'est la neige. Personne n'en avait vu une telle épaisseur à Vaucottes. Les routes sont bloquées. D'énormes murs de neige bloquent la route d'Yport devenue invisible. Le vent pousse la neige sur les falaises, formant des dunes blanches où les lapins tracent leurs pistes ; plein de petites pattes ont laissé leurs marques.
Une nuit de tempête on ne put dormir. Le vent arrachait tous les sapins....depuis, les Allemands ont fait pire ! Nous fabriquons des luges avec de vieux tonneaux et nous nous amusons beaucoup en dévalant la falaise enneigée. Avec nous, les deux jeunes Génestal, glissent sur un fauteuil à bascule. Joseh Thieulent fait de la luge. (Plus tard, l'un des jeunes sera fusillé par les Allemands).
Avril-mai. On commence à parler de combats. Nous entendons le ronflement incessant des avions allemands qui bombardent Le havre. Il faut aller chercher Hubert Collette pensionnaire au collège du Havre. Monsieur Heilmann, habitant le havre, vient demander asile. Les journaux censurés annoncent des nouvelles chaque jour plus graves. La permission d'André est écourtée. Je fais des mauvais rêves et parle tout haut : »Tant pis, ça ne fait rien, les doigts de pied dépasseront du cercueil » et « il ne m'a même pas embrassée » ; nous couchons au dortoir et le fou rire des autres ou leurs rouspétances me réveillent !
Toute la famille rentrée dans le Nord rapplique à Vaucottes. Suzanne quitte Cassel avec deux enfants, Madeleine fuit les bombardements de Douai avec Francis qui arrive avec la Coqueluche. Les D'Arras filent de Dunkerque en auto. Guy Collette arrive à bicyclette traversant Abbeville en flammes et mitraillé sur la route.
On voit passer des autos chargées de bagages et de matelas, venant de Belgique, du Nord, puis de Seine Inférieure. Etretat est gagnée par la panique. Nous blâmons ces derniers fuyards que nous traitons de défaitistes, car nous ne pouvons croire à l'envahissement et gardons un espoir inébranlable, certains qu'on arrêtera les Allemands sur la Somme. Nos parents, eux, sont plus objectifs et plus inquiets
On entend la canonnade. Le 21 mai, les Allemands sont à Abbeville. Longs conciliabules des parents qui veulent mettre la jeunesse à l'abri de l'autre côté de la Seine. On entend la sonnette du garde champêtre. Torse en arrière, ventre en avant, bras tendus, lunettes sur le nez il lit en ajoutant ses petites annotations personnelles : « Avissssss à la population ! Tous les hommes à partir de 17 ans sont requis en vue de l'organisation d'une garde civique ». Chez nous, Guy et Hubert Collette. Ils resteront donc à Vaucottes. Nous nous mettons à table l'appétit coupé. Le repas est mortel. Le conseil de famille des parents reprend après le dîner. Nous attendons dans l'angoisse jusqu'à minuit. Des éléments motorisés allemands sont à Dieppe, départ décidé à 4 heures du matin. Nous allons tous à la ferme réveiller les Thieulent, proposer d'emmener leurs deux filles, ce qu'ils refusent. Très tristes adieux. Nous nous reposons à peine sur nos lits, tout habillés et faisons rapidement les bagages, un tout petit baluchon chacun, avec une couverture roulée sur le dos et quelques provisions. Nous attachons au cou des enfants une pancarte avec leur nom et adresse. Chacun une petite somme d'argent, prêtée par l'oncle Georges.
Exode 1940
4 heures du matin. Départ avec nos amis les Béguin. Il y a trois voitures pour 29 personnes. L'oncle Georges nous conduira puis reviendra à Vaucottes où il restera avec maman et Madeleine qui est enceinte et les deux garçons Collette enrôlés dans la garde civique. Dure séparation ! Je pars avec les Collette, dans la voiture de l'oncle Georges qui nous conduit. A notre arrachement se joint la honte de fuir. Nous acceptons mal la décision des parents qui ont connu les horreurs de l'occupation dans le Nord à la dernière guerre et craignent pour la jeunesse les pires sévices. Superbe lever de soleil. Non ! Les horreurs ce n'est pas possible ! On arrêtera les boches. La route est calme à part quelques chicanes et vérifications de papiers. Soudain, nous nous trouvons à la queue d'une file de voitures dont on ne voit pas le commencement. Nous avançons de quelques centimètres toutes les demi-heures. Derrière, nous ne voyons pas le bout de la file. Nous prenons les baluchons et continuons la route à pied tandis que les oncles repartent à Vaucottes décidant d'emmener maman et madeleine. A notre grand soulagement. Nous marchons en suivant une foule qui porte des bagages de toutes sortes. Sur la route défilent lentement les voitures. On pousse des voitures en panne. Des gens partis sans savoir conduire embouteillent la route. Nous prenons le bac à Berville et déjeunons dans un petit café où gémit un blessé. Puis nous retournons au bac emmenant les enfants. Il y a une quantité d'enfants qu'accueille une fermière qui prépare une bouillie pour Jacqueline. Les Anglais occupent le village. Ils se pressent le long d'une haie pour nous donner des biscuits, du chocolat, des quarts de thé. Maria, la bonne de tante Loulou, assez corpulente, perd l'équilibre, se traîne à genoux dans le fossé, et tend les bras : « Ichi m'garchon, mi j'en veux, donne mi cha ! ». Les soldats ne comprennent guère son patois du Nord, mais ils rient aux larmes et la bourrent de biscuits. Nous revenons au café archicomble. Pique-nique assis sur le s sacs et couvertures. Il fait une chaleur épouvantable. Nous attendons les voitures des oncles qui n'arrivent pas. Le défilé des voitures est ininterrompu. Beaucoup de voitures belges qui essaient de passer les premières en disant toutes faire partie du Ministère pour avoir la priorité.
Les D'Arras arrivent avec difficulté. Ils ont pu contacter des amis de leur famille qui vont nous procurer un logement et venir nous chercher. Les Pougheol viennent chercher gens et bagages, mais Thérèse et moi restons pour attendre les Beguin qui, partis en même temps que nous ne sont pas arrivés. Nous nous installons dans un fossé pour guetter les voitures et repérer la leur. Il y en a tant, c'est épuisant, nous mourons de chaleur et nous endormons à moitié. À côté des autos, défilé de pauvres gens chargés de bagages, traînant la jambe. Des femmes et des soldats passent avec des seaux et nous donnent à boire. Les Beguin, partis avec nous à 4 heures du matin, n'arrivent qu'à 17 heures. Neuf heures après nous ! Sans attendre l'oncle Georges, nous partons vers Saint Gratien, résidence des Pougheol. Le pays est boisé. C'est un gros bourg où les pougheol ont une ferme. Mais à Saint Gratien tout est réquisitionné par la troupe. Mpossible de trouver un logement. Nous sommes à proximité du champ d'aviation. Cependant, on trouve une chambre dans deux maisons occupées par des aviateurs qui ferment volontairement les yeux sur la présence interdite de réfugiés. Chez les Pougheol, on multiplie les lits en séparant les sommiers des matelas. Les Béguin trouvent une chambre à Pont-l'Évêque et s'y entassent. Nous sommes encore 9 à caser ! Nous nous installons dans la grange. Un peu de foin, des sacs à pommes et un sac de couchage font notre literie. La chambrée se compose de tante Loulou, tante Madelon et l'oncle Robert D'Arras. Maria (bonne de l'oncle Georges) et Maria de tante Loulou, Suzanne, Thérèse, Annette D' Arras, Françoise, Jacques et Geneviève Collette et moi. Je m'endors aussitôt et ne suis réveillé le matin que par les cris furieux des oies qui couvent dans a grange. Je n'ai pas entendu les bombardements et la mitraille qui ont empêché les autres de dormir. Cela nous inquiète pour maman, Madeleine et l'oncle Georges partis hier et non arrivés. Enfin, ils arrivent dans la matinée ayant passé la nui de l'autre côté du bac sans pouvoir passer la Seine et entendant des bombardements assez proches. Nous prenons nos repas avec les Pougheol dont l'accueil est charmant. Nous organisons notre campement; les D' Arras dénichent un vieux sommier qu'ils installent dans la grange. Cela paraît princier, mais grince affreusement et ne doit pas être si confortable d'après les exclamations de tante Madelon qui nous font rire ! Les oies se mettent dans des colères ridicules et nous poursuivent menaçantes. Elles nous réveillent à l'aube. Le foin nous fait éternuer, nous sommes dévorés par les araignées. Une petite souris sort du sac à dos de Françoise et me grimpe sur le bras. La forêt est belle, mais malgré de jolies promenades, l'inaction nous pèse. J'aide une des filles Pougheol qui s'occupe d'un jardin d'enfants dans une école. Sans nouvelles de mon frère Jacques depuis le 10 mai, nous sommes très inquiets. Vers le 30 mai (date de sa mort), une lettre nous donne une fausse joie...elle est datée du 21 mai.
Nous nous groupons chaque jour autour du poste TSF. Récits tragiques sur Dunkerque où les D' Arras ont tant de famille et d'amis. L'abandon de Léopold nous bouleverse et diminue notre espoir qui ne nous avait jamais abandonnés. Les D' Arras louent une petite maison. Nous sommes moins nombreux dans la grange. Chaque soir à 22 heures tapant, les avions allemands ronronnent et les bombardements commencent sur Le Havre. On dirait un feu d'artifice. Le ciel est balayé par des projecteurs. La proximité du camp d'aviation inquiète les gens du pays et leur moral est au plus bas. Pourtant, nous n'avons pas été bombardés une seule fois jusqu'à présent, malgré le survol incessant des avions. Nous voyons tomber un avion français. Le pilote est tué. Un des officiers qui a accepté d'accueillir plusieurs d'entre nous rentre un soir bouleversé. Plusieurs de ses camarades ont disparu. Nouveaux conciliabules des parents. L'avance des Allemands est rapide et il faut à nouveau partir. Où aller ? Il faut se séparer, c'est le plus dur. Maman va rejoindre papa et Antoinette réfugiés à Bourbon-Lancy (Saône et Loire) ; l'oncle Georges la conduira en auto et repartira ensuite dans le Tarn. Je ne veux pas laisser maman, mais Suzanne et Geneviève ont besoin de moi, partant avec cinq jeunes enfants à Carantec (Finistère) dans la maison de tante Marie restée à Paris (partie en exode, tombée malade sans médecin et revenue à Paris). Thérèse partira avec les Collette à destination du Tarn. Les d'Arras suivront et partirons en dernier. Je pars, la mort dans l'âme. L'oncle Robert d'Arras nous conduit à Mézidon. La gare est pleine de soldats et nous rencontrons sur le quai Gilbert de Véricort qui s'est battu à Dunkerque et revient d'Angleterre. Courte entrevue où nous glanons réciproquement quelques nouvelles. Le quai est plein de monde. Il n'y a qu'une micheline qui arrive déjà comble. L'oncle Robert y jette nos bagages au hasard et nous pousse dans le train. Sans lui nous n'aurions pas pu monter. Un des enfants à la tête de travers et ne peut la redresser tellement nous sommes compressés. On fait asseoir Geneviève qui a Jacqueline dans les bras. A chaque arrêt du train, c'est la bousculade. Les gens se ruent aux portières. Je perds l'équilibre et essaie de protéger l'officier blessé qui se trouve à côté de moi. Lui-même m'aide, non sans mal, à enlever la musette et les couvertures qui pèsent sur mon dos. Il finit par me faire une petite place par terre entre ses jambes. Je suis mieux et je l'aide à bouger sa jambe blessée quand elle est engourdie. On a pu glisser Francine dans un petit coin où elle n'est pas trop écrasée, entre des gens assis qui ne pensent pas à faire une petite place à cette gamine de 6 ans. Un major prend Jacqueline sur ses genoux pour permettre à Geneviève de prendre Philippe (4 ans) qui n'en peut plus. Ils sont quatorze sur la banquette ! Suzanne et ses deux enfants, Georges et Gérard, ont été refoulés à l'autre bout du compartiment. Je ne vois qu'un bout du chapeau de Suzanne et à l'agitation du chapeau j'imagine Suzanne bavardant avec animation avec ses voisins. Il fait une chaleur affreuse. Tous les enfants sont ruisselants et grognons. Près de nous, des femmes sont parties dans l'affolement d'un bombardement sans rien emporter et les enfants ont faim et soif et geignent sans arrêt. La mère énervée les embrasse et tout d'un coup les gifle. Alors, ce sont des hurlements. Geneviève leur donne des oranges et ils se jettent dessus. La mère en pleure de joie. Philippe est pris d'un besoin impérieux. Impossible de gagner les WC. On le passe de bras en bras. C'est contagieux. Tous les enfants veulent faire pipi. On fait la chaîne pour les porter et le jeune homme qui est près des WC fait la nounou pendant tout le voyage ! Nous changeons de train au Mans. Avec tout le barda et cinq enfants dont le plus grand a 6 ans, c'est difficile. Sur le quai, des soldats ont l'air complètement perdus, découragés, sales et tristes. Ils interrogent tous les réfugiés pour essayer de savoir ce que sont devenus les leurs.
Nous arrivons à Rennes. Impossible de savoir s'il faut changer de train. C'est la pagaïe. Enfin, après maints contrordres, il faut changer. Des infirmières et des scouts s'occupent des réfugiés et donne un biberon pour Jacqueline. Vite, il faut se précipiter dans le train. Le compartiment est presque vide. Suzanne jette son chapeau dans le filet en s'écriant : « Dire qu'il y en est à sa quatrième évacuation !». Notre vis à vis assez amusé apprend ainsi que le chapeau qui a fait aussi la guerre de Shanghai n'est pas neuf ! C'est n monsieur qui a fui Le Havre.
Impossible de faire dormir cette pauvre Jacqueline qui hurle. La nuit est longue. Nous arrivons à Morlaix à 4 heures du matin et nous installons dans la salle d'attente. Jacqueline ne se calme pas . Geneviève se promène de long en large avec le bébé hurlant dans les bras. C'est seulement vers 9 heures du matin que nous trouvons un car pour Carantec. Nous descendons le bourg à pieds. Une femme s'écrie en nous voyant : « Encore de ces pauvres qui arrivent !». Le fait est que nous devons être assez lamentables, noires, chargées comme des baudets et des enfants ahuris qui s'accrochent à nous. Nous remercions Dieu de ne pas en avoir perdu dans la cohue et d'arriver sains et saufs. Mais les autres ? Que sont-ils devenus ?
Quelques jours plus tard arrive madame Deschodt, la belle-mère de Suzanne. Elle habite dans le Nord, au point culminant du mont Cassel. Pendant la Grande Guerre, les États-majors français et alliés s'étaient installés dans sa maison devenue historique. Le roi d'Angleterre y logea, ce qui valut la transformation des WC auxquels on accède maintenant par des marches somptueuses (le trône du roi). Le maréchal Foch y venait souvent et devint un ami. Chacun remerciait madame Deschodt de son hospitalité par un cadeau. Outre ces précieux souvenirs, il y a aussi une correspondance très intéressante du maréchal Foch. Madame Deschodt ne voudrait pas voir tout ça profané par les Allemands. Elle arrive donc avec tous ses souvenirs de guerre portant la canne et le képi du maréchal Foch. Puis arrive sa bonne, partie après elle, témoin de scènes tragiques sur les routes bombardées? À l'improviste arrive avec son bébé une jeune femme que nous ne connaissons pas ; c'est Maïthé, la femme de Michel Labbé, neveu de tante Marie. Je m'installe avec elle dans la soupente. Il n'y a pas assez de lits et je couche par terre sur le matelas qui protégeait le toit de l'auto de madame Deschodt. Mon mobilier se compose d'un lavabo et d'une chaise boiteuse. Une lucarne dévoile un tout petit coin du ciel. Pas de table, j'écris sur mes genoux. Écrire, c'est un peu une détente, j'écris beaucoup jusqu'à ce que j'ai la certitude que les courriers sont coupés. Je reçois une lettre de ma sœur Thérèse datée du 9 juin. Elle écrit : « Saint Gratien est plongé dans l'obscurité avec comme ciel une nappe de plomb. Il n'y a pas moyen de trouver les vaches pour les traire. Poules et pintades se sont remises à dormir croyant que c'était la nuit. Des chauves-souris ont plané au-dessus de nous. Annette criait au miracle pensant que Dieu voulait plonger les boches dans l'obscurité, mais c'est tout simplement le reste des bacs de Port-Jérôme qui brûle. Nous attendons Hubert et partons demain à destination de Châteauneuf-sur-Loire ». C'est la dernière lettre que je reçois. Alors, c'est l'isolement et l'affreuse incertitude pour tous. Les Allemands ont passé la Loire et avancent en Saône et Loire où sont mes parents, Antoinette, mes autres sœurs, mes cousins. Inquiétude plus grande encore pour ns soldats. Jacques Deschodt doit être sur la ligne Maginot, mon frère Jacques dans le Nord dans un régiment de spahis en première ligne, Robert et Dany également très exposés et tous les autres ! Maïthé est depuis très longtemps sans nouvelle de son mari Michel Labbé. Le bruit court que les Allemends sont en Bretagne. On ne sait que croire. Bientôt on les dit à Morlaix. Je n'y crois pas . Il n'y a pas un seul coup de canon. Le lendemain, nous nous rendons à la mairie pour l'inscription obligatoire des réfugiés. Le ciel est noir de la fumée des essences qui brûlent. Des soldats français semblent perdus, ne savent où aller. C'est sûr, on ne se bat plus. Queue à la mairie. Interrogatoire d'une réfugiée : « Célibataire ? Oui. Pas d'enfants ? Deux ». Tout à coup un grand cri dans la rue : « Les voilà, les voilà ! ». Je reste seule avec Maïthé et le secrétaire de mairie très troublé. C'est mon tour : « Célibataire ? Oui. Pas d'enfants , Non. » Et il écrit sur le registre divorcée. Je fais rectifier l'erreur en riant malgré ma tristesse et ma honte de vaincue. Dans la rue tout est vide. Pas d'Allemand, c'est un bobard.
Ils arrivent le lendemain. Vers 8 heures, nous trouvons un officier boche dans le jardin où il veut mettre ses camions. Mais un réfugié du Nord retrouvé par hasard, monsieur Roger, vient à notre secours et les en dissuade.
Le ravitaillement devient très difficile. On fait la queue chez le boulanger. Le pain sans levure est rare et détestable. On voit passer des gens qui portent à la mairie leurs armes, leur TSF, défilé lamentable de gens qui ont peur et devancent des ordres qui jusqu'à présent n'ont pas été donnés. On parle d'armistice et nous n'y croyons pas. Chaque soir, nous allons écouter les informations chez des voisins réfugiés de Lille, les Dubuisson. Nous nous réunissons autour du poste, réfugiés, familles de pêcheurs de Carantec. Et c'est la cruelle évidence : annonce de l'Armistice. Nous nous quittons en silence, trop bouleversées pour pouvoir parler. Puis, le 18 juin, la voix de De Gaulle appelant à continuer la lutte. C'est l'espoir après la défaite. Nous sommes tous en larmes, larmes de joie et d'espoir.
Le ravitaillement redevient normal, mais pas encore le courrier. C'est l'inquiétude pour tous. La résistance s'organise. Des marins partent en barque pour rejoindre l'Angleterre. Les familles sont dans l'angoisse, mais on saura plus tard qu'ils sont arrivés. Les courriers se rétablissent peu à peu. À Cassel la maison de madame Deschodt est debout malgré une petite brèche faite par une torpille. A Dunkerque, la maison des d'Arras a brûlé avec tout le quartier. Il ne reste rien. Lettre de Mimi Béguin qui a eu des nouvelles de Normandie par Mgr Petiteguleville resté à Rouen. L'archevêché est épargné, mais la cathédrale a brûlé pendant huit heures, mais reste debout malgré d'importants dégâts. Caudebec est rasé, Fécamp bombardé (25 victimes). On ne sait rien de Vaucottes. Impossible d'écrire. Je ne sais où se trouve ma famille. Enfin lettre de Thérèse qui a fait avec les Collette une route à pieds. Après un long et dangereux voyage attend à Brive qu'il y ait des trains pour Fiac. Toujours rien des parents partis vers une destination où l'on s'est battu. C'est très angoissant.
Quelle joie en recevant leur première lettre qui a mis un temps fou à nous parvenir. Quittant Bourbon-Lancy à 2 heures du matin avec Antoinette, ils ont gagné Vichy à pied puis en camion militaire. Voyage très éprouvant pour maman qui marche difficilement. André est en Corrèze attendant d'être démobilisé en zone libre. On ne sait rien de Jacques, de Dany, de Michel Labbé et Maïthé sans ressource repart à Paris pour chercher du travail. Ce n'est qu'un peu plus tard qu'elle recevra la nouvelle de la mort de Michel. Suzanne est rassurée au sujet de Jacques Deschodt démobilisé en zone libre. Jo Watine libéré en Bretagne par les Allemands ne savait où rejoindre sa femme et retrouve sa femme en Charente. Geneviève reçoit des lettres laconiques de Robert. La première de l'hôpital de Châlon. Sans doute blessé ? Puis on finit par savoir qu'il est prisonnier, ainsi que Dany. Il croit Geneviève à Vaucottes et ceci la décide à y retourner malgré l'incertitude de ce qu'elle y trouvera. Je l'accompagnerai et Suzanne reste à Carantec. Dès l'annonce des premiers trains de réfugiés pour la Seine Inférieure nous partons un peu émus de laisser Suzanne.
Retour à Vaucottes
Le jeudi à 4 heures nous prenons un car pour Morlaix et nous attendons un train qui ne partira que le soir. Attente interminable ! Il n'y a pas trop de monde. Nous sommes sept dans notre compartiment et les enfants peuvent dormir. Mais je dois plusieurs fois conduire Philippe aux WC et celui-ci est complètement inondé. L'inondation gagne le couloir puis notre compartiment ! Vendredi après_midi, arrivée à Rouen. Les ponts sont coupés. Il faut traverser la ville à pieds. Des porteurs transportent nos bagages sur des charrettes pour un prix exorbitant. Même abus pour un biberon. Nous sommes écœurées de voir tous ces profiteurs de guerre rouler les réfugiés. Nous traversons un quartier en ruines, non habité. Joie ! La cathédrale se dresse et de loin paraît intacte, mais a quand même, dit-on, été très abîmée. Embouteillage de voitures. Nous nous trouvons juste derrière un convoi de prisonniers avec lesquels nous parlons un moment. Puis nous arrivons dans un quartier épargné où la vie a repris normalement. Philippe est pris d'un besoin impérieux. Je le conduis dans une confiserie tandis que Geneviève poursuit sa route avec les enfants.
Le siège à la turque n'inspire pas Philippe ; arrêt inutile ! Je suis angoissée à l'idée de ne pas retrouver Geneviève dans cette foule. A la gare, Philippe fatigué refuse de porter son manteau, s'assied sur les marches et ne veut plus avancer. Impossible de le porter, car je suis déjà chargée de bagages, mais ouf ! J'aperçois Geneviève sur le quai. Nous montons difficilement dans le train bondé. Nous arrivons de nuit à Fécamp. Une jeune fille inconnue nous aide et nous indique un petit hôtel sur le port. Il est plein d'Allemands qui rient bruyamment, mais nous trouvons une chambre pour nous cinq et sommes bien accueillies. Qu'il est bon de faire un brin de toilette après une trentaine d'heures de voyage sans pouvoir se laver ! Nous apprenons que Fécamp n'a pas subi trop de dégâts et le lendemain, samedi, nous trouvons un car pour Yport. Et, de là, plus que 3 kms à pieds ! Nous arrivons à l'improviste très émus de trouver toutes les maisons debout. Il y a des chiffons blancs aux portes et des pancartes en allemand pour indiquer celles occupées par les habitants (ici : maison habitée).
Nous trouvons le Chalet occupé par une vieille parente éloignée, Hélène Nay de Mézence, qui s'est réfugiée ici et n'a pas l'air enchantée de notre arrivée. Mais les Thieulent arrivent en courant fous de joie. Pendant huit jours nous prenons avec eux tous nos repas à la ferme, où nous trouvons lait, crème, légumes. Nous couchons à la Cour-verte, laissant le Chalet à ta,te Hélène et à son chien plein de puces. Mais, un soir, elle arrive affolée. Un Allemand est entré par une fenêtre en cassant un carreau. Elle l'a mis dehors, mais il a menacé de revenir s'il ne trouvait pas d'autre logement. Je déménage en vitesse pour ne pas la laisser seule, car elle a très peur. Je m'installe dans la chambre voisine de la sienne et Thérèse Thieulent va coucher à ma place à la Cour-verte, pour que Geneviève ne reste pas seule avec les enfants. À peine couchée, j'entends de fortes détonations et vois des lueurs du côté de Fécamp. Tout à coup la voisine mademoiselle Leboucher crie plusieurs fois « Qui est là ? » Pas de réponse. Je crains que les intrus mis partout à la porte ne reviennent. Rien ne bouge. L'oreille aux aguets, je commence à sommeiller, mais de gros pas résonnent dans la cavée. Une grosse détonation me fait sauter en l'air. On crie. On dirait que c'est Geneviève ? Je bondis hors du lit jette un manteau en hâte sur mes épaules. Tante Hélène ne veut pas me laisser sortir. Elle a verrouillé toutes les portes. Je perds du temps à les ouvrir. La nuit est si noire que je ne distingue rien. Dans le jardin, un gros pas près de moi sur le gravier. Je crois que c'est un allemand. Je crie « Qui est là ? » Une voix pas très assurée répond « c'est moi, mademoiselle » Ouf ! C'est Joseph qui a, comme moi, entendu crier à la Cour-verte. Nous partons bras dessus, bras dessous, très angoissés. Nous trouvons Léa déjà près de Geneviève. Elles éclatent de rire : dans l'obscurité j'ai mis le manteau de tante Hélène qui me donne une drôle d'allure. Les cris que nous entendions étaient bien ceux de Geneviève qui nous appelait au secours, croyant que les Allemands défonçaient sa porte pour entrer. Mais c'était en réalité un bombardement sur Fécamp qui secouait la porte. Nous sommes tous allés nous recoucher, mais je n'ai pu dormir, complètement dévorée par des puces. Le lendemain, nous décidons de déménager au Chalet. Tout est encombré des affaires de tous. Je couche en bas, au milieu d'un amoncellement de malles, de matelas, de baluchons, et j' ai presque peine à gagner mon lit. Peu à peu on range, on s'organise, c'est mieux, mais c'est plein de puces ! Nous sommes tous dévorés.
Toute villa abandonnée est soumise à un pillage incessant. Les journées se passent à courir de l'une à l'autre pour sauver le plus d choses possible. Les maisons sont mises à sac. Chez nos proches voisins, les Cailleret (villa Marie-Louise), nous assistons impuissantes à l'enlèvement des meubles par les Allemands. Les rampes d'escalier ont été sciées pour en faciliter la descente. Chez nos amis, les Béguin, nous trouvons tout sens dessus dessous ; une robe d'organdi en pièces ; j'en trouve un morceau dans une pièce, un autre dans une autre ! J'ai laissé à « La Famille » les livres de classe des enfants et j'essaie d'aller les chercher dans la maison occupée par des officiers allemands. Ça me permettra de voir si je peux sauver d'autres choses en même temps ! Mais on m'interdit l'entrée. Il faut un certificat de la mairie prouvant que ces livres m'appartiennent.
La secrétaire refuse de me faire un certificat et veut m'envoyer à la Kommandantur (qui n'a rien à y voir). Je vais trouver le maire, monsieur Julien, très âgé et complètement sourd. J'ai du mal à me faire comprendre, mais il me donne très gentiment mon certificat. A « La Famille », on me donne un rendez-vous avec un officier allemand pour le lendemain. J'y vais, accompagnée de Léa. Nous sommes reçues très correctement dans une pièce transformée en bureau. L'officier s'incline : « Excusez-nous pour toutes ces mesures prises contre l'espionnage ». L'officier nous accompagne. Une brèche dans le jardin a été faite entre la maison des Duval où nous sommes reçues et « La Famille » où nous allons. Pour traverser ce petit bout de jardin, l'allemand met ses gants, prend son révolver, met son képi, nous fait passer devant lui, révolver à la main. Je profite de ma visite et des soi-disant livres à chercher pour faire un petit tour dans la maison, toujours avec l 'allemand sur les talons. Je récupère pas mal de livres, entre autres les Illustrations que l'allemand parcourt avec intérêt. Il sourit devant quelques gravures un peu lestes quand Léa dit : « « Ça pour les enfants ? » mais il n'est pas dupe ! Léa lui dit que je suis d'une grande famille, que je suis sans nouvelles de mon frère. Il dit « Triste la guerre » et il s'incline ayant le tact de ne pas me prendre la main que je cache ostensiblement derrière mon dos.
Un jour Geneviève a des ennuis avec un soldat allemand qui a demandé à qui étaient ces trois enfants. Quand elle a répondu « Ce sont les miens », il n'a pas voulu la croire : « Pas possible, vous trop jeune », furieux, ne se calmant qu'après avoir pris connaissance des ses papiers d'identité que Geneviève, immobilisée sous sa menace, n'avait pu produire tout de suite. En fait, il était probablement ivre.
La maison de l'oncle Georges, Le Petit Val, est réquisitionné par les Allemands. Des bobards circulent. On ne sait plus qui croire ! On vient un jour nous réquisitionner des draps et sur la liste ne figurent que les « bien-pensants » (dit-on !) du village, monsieur le Curé en tête. Nous n'avons jamais pu obtenir de bon de réquisition. Plus tard, ces draps sont retrouvés et nous sont restitués. Comme on nous avait dit que ces draps serviraient aux Allemands, nous avions attrapé des puces vivantes en nous promenant pieds et jambes nus au Chalet. Nous avons été déçues ensuite d'apprendre qu'ils devaient servir à ensevelir des soldats allemands trouvés morts sur la plage. Mais il paraît que tout cela était faux !
La France est divisée : d'une part les pétainistes, qui sont partisans d'une collaboration avec l'ennemi et défaitistes, d'autre part ceux qui résistent à l'ennemi et restent pleins d'espoir envers une libération en laquelle nous voulons croire de toutes nos forces. Cela est très dur. Des amis nous déçoivent, d'autres nous aident, mais la prudence doit nous rendre méfiants et très secrets les uns vis-à-vis des autres. Nous avons gardé un poste radio qui nous donne des nouvelles chaque jour. On ne peut gagner qu'avec ceux qui sont très sûrs. Cette division entre Français engendre haine et indignation ; c'est difficile à vivre.
Quelle joie en voyant arriver le ménage Watine qui vient passer l'hiver avec nous à Vaucottes. Mon beau-frère Jo, pris par les Allemands a pu être libéré en se faisant passer pour Breton. Mais, habitant Dunkerque, il est sans travail.
Papa, maman, Antoinette rentrent à Paris. André et Thérèse les rejoignent après six jours de voyage dans un wagon à bestiaux. Le reste de ma famille est en zone libre. On ne peut correspondre qu'avec des cartes préparées d'avance, un vrai questionnaire sur lequel on ne peut rien dire. Mais s'établit bien vite un code secret.
L'inquiétude pour ceux dont on est sans nouvelles s'accroît avec le temps. Robert est prisonnier et plusieurs des frères et beaux-frères Hareng. Très tard, nous apprenons que Dany est prisonnier. De Jacques, toujours rien. Des recherches par la Croix-Rouge sont toujours restées sans réponse. En septembre 40, deux lettres de Jacques nous donnent une fausse joie. Elles sont du mois de mai. Ça ne signifie rien. Tante Hélène qui se mêle de tout écrit à maman « O joie ! Enfin des nouvelles de votre cher fils ! » C'est seulement six mois après qu'on retrouvera sa tombe à Loos, près de Lille, où la bataille a été terrible. Sans rien savoir d'autre, le hasard d'une rencontre nous apprend qu'il est mort en service commandé, décoré à titre posthume avec une très belle citation. Son porte-monnaie, sa plaque d'identité, des lettres de nous et de sa femme ont été déposés à la mairie de Loos qui les a gardés sans jamais nous aviser. Quelle triste pagaille ! Le fiancé de Claire Valery-Decroix a été tué aussi, Valery grièvement blessé.
Très longtemps aussi sans nouvelles de Michel Labbé, Maïthé apprendra sa mort très tard. Quelle indifférence envers ceux qui ont donné leur vie pour la France. Et que de réflexions désobligeantes à leur égard !
Notre campement s'organise, mais nous devons nous séparer entre la Cour-Verte et le Chalet, car nous ne voulons pas abandonne la maison aux Allemands et, bien que faisant cuisine commune, nous ne pouvons dîner ensemble le soir. Le ravitaillement est difficile Nous allons dans les fermes en quête de beurre et d'œufs vendus très parcimonieusement. Le doryphore attaque les pommes de terre et nous ne trouvons guère de légumes. Les produits que l'on pourrait trouver servent de monnaie d'échange. Ailleurs, c'est le marché noir. Nous finissons par trouver des pommes de terre à Bordeaux-Saint-Clair (près d'Étretat). Nous rapportons chaque semaine 10 kg sur nos bicyclettes. Les pneus usés sur la route caillouteuse des Loges éclatent plusieurs fois. Il faut déficeler le cageot de patates, retourner le vélo pour réparer et pouf ! Ça recommence. Un jour les gens qui nous vendaient leurs patates à un prix à peu près raisonnable ont été dénoncés. C'était interdit et cette source de ravitaillement s'est tarie.
Nous entendons chaque jour des bombardements sur Le Havre et voyons parfois passer les escadrilles. A Vaucottes un incessant pillage nous fait vivre sur le qui-vive. À part cela, c'est le calme. Les falaises se hérissent de barbelés et de mines. La plage interdite est gardée par une sentinelle et triple rangée de barbelés et chicane. Nous arrivons souvent à passer pendant le petit temps de battement du changement de sentinelle ayant repéré que la première était plus coulante que la seconde. Nous mettons des planches au-dessus des barbelés et passons sur ce pont improvisé pour prendre un bain en vitesse. Nous ne réalisons que quelque temps après que la plage est minée et que ce petit jeu est dangereux. Il y a beaucoup d'exercices de tir. Un jour le jardin est envahi par les soldats qui courent fusil en avant ; ils entrent à la Cour-Verte et tirent par les fenêtres. Ces messieurs d'ailleurs se croient partout chez eux. Ils traversent souvent le jardin qui devient un passage et rient quand on veut les chasser. Un jour ils ramassaient des pommes dans le verger. Ils chipèrent par la même occasion la charrette des Thieulent. J'allai au-devant d'eux et leur barrant le chemin derrière la Cour-Verte. Je réclamai un bon de réquisition. Ils secouaient la tête en disant « nich compris ». Je leur dis « c'est faux, vous parlez le français et si vous ne comprenez pas nous nous expliquerons à la Kommandantur ». L'un d'eux, un énorme type vulgaire, une vraie brute, était furieux. Du coup il se mit à parler français. Il avait la bouche pleine et je craignais qu'il me crache à la figure un bout de pomme qu'il mâchonnait. Me prenant par les épaules, il me secouait comme un prunier. Enfin, Geneviève, Madeleine, Léa arrivèrent. Après une longue discussion et menace de Kommandantur, ils finirent par abandonner la charrette et la remirent à sa place, la retournant si brutalement que je dus reculer dans les orties pour ne pas être renversée par la roue pleine de boue. Le lendemain Geneviève et Léa rencontrent ces mêmes soldats en train de creuser un trou. Ils leur disent qu'on les enterrera dans ce trou et rient bruyamment en se tapant sur les cuisses, contents de cette fine plaisanterie.
Les Allemands occupent la villa des Cailleret et « Les Pommiers »; Ils ont abattu la haie de clôture entre les deux villas. Ils transportent aux Pommiers de gros bidons d'essence, des réservoirs. Nous craignons un voisinage de munitions. Un soir, fracas épouvantable de verre cassé. Les soldats s'amusent à tout démolir et font un terrible vacarme. Le matin, surprise ! Grand calme ! Seraient-ils partis....définitivement ou seulement en manœuvre ? La maison est-elle vide ? Je vais voir avec Léa, tandis que les enfants font le guet dans la cavée. Je pousse la grille des pommiers. Jardin désert, porte de maison entrouverte. Nous pénétrons (non sans quelques battements de cœur). Personne ! Sur la table des lampes à pétrole ! Vite nous vidons tous les fonds de pétrole dans une lampe vide, car nous n'avons plus d'électricité et point de pétrole, évidemment. A la cuisine, je trouve une passette de petits choux de Bruxelles tout épluchés. Chic alors ! Nous nous sauvons emportant pétrole et choux. Récupération. Quelle joie des se régaler à la place des boches !
A Vaucottes quelques huiles logent à La Valleuse. Le Petit Val est réquisitionné, occupé par un soldat paisible. Les Anglais le savent-ils ? Trois bombes tombent à proximité de la Valleuse. Je suis à ce moment chez les Thieulent regardant les fusées multicolores lancées par les avions et nous sortons contempler ce feu d'artifice. Soudain, un avion passe très bas. Drôle de sifflement. Une fusée semble descendre droit sur nous, éclairant comme en plein jour au bout d'un quart d'heure. Elle se met en mouvement en direction de la mer. Je pars en courant chercher Madeleine et Geneviève, car cela vaut la peine de voir ce spectacle extraordinaire et je ne me doute pas que l'avion a lâché des bombes si près de nous. Dans la nuit je ne vois pas la corde à linge, me prends le cou de dedans et tombe en arrière à la renverse. Cela me vaut un verre de calvados e réconfort et j'ai une marque sur le cou qui ressemble à un collier. Les bombes sont tombées à Vaucottes, l'une dans le jardin de Monsieur Guérand ( le nid), l'autre sur la falaise de droite où sont les vaches de Joseph. Elles n'ont pas éclaté, s'enfonçant mollement dans en terre. Mais les huiles prennent la poudre d'escampette !
La vie à la campagne est pleine d'imprévus. Les Thieulent ont une chèvre blanche qui nous suit partout, broute le potager, entre dans la maison montant les escaliers à notre suite, dévorant les bouquets en renversant les vases. Je rattrape au Petit Val une vache échappée et l'enferme dans l'étable. Quelque temps après j'entends des meuglements lamentables. La vache a voulu sauter par dessus la porte et reste suspendue les pattes dans le vide, le ventre sur le portillon, tout raplati ayant pris en largeur des proportions effroyables. La langue pendante elle hoquette et semble à l'agonie. Je lui apporte un tabouret pour poser ses pattes; monsieur Giraudet et monsieur Guérand viennent à la rescousse, mais impossible de délivrer cette pauvre bête trop lourde. Joseph est parti à Vattetot. On va le chercher d'urgence. Nous craignons que cet accident la fasse vêler prématurément. En repoussant la porte, nous avons de plus coincé l'arrière-train de la bête contre le mur. Elle est dans une position ridicule quand Joseph arrive très inquiet. Nous l'accueillons par un éclat de rire, car la vache vient de faire un bond en arrière et se délivre elle-même.
On se moque de moi, mais que dire de Geneviève qui accouple des lapins mâles en s'étonnant de ne pas avoir de nichée ! On conduit la prétendue lapine au magnifique mâle de monsieur le Curé. Sans résultat. C'est le vétérinaire qui découvre que notre lapine est en réalité un mâle.
Nous apprenons qu'il y a du miel à vendre et Geneviève veut en acheter pour ses prisonniers, mais refus. On le vend de préférence aux Allemands. Dans les fermes c'est de plus en plus difficile d'avoir des œufs. On les vend en échange de ticket d'alimentation. Par contre, le boucher d'Yport, monsieur Lambert, est très chic avec nous. Il fait profiter de sa viande aux Français. Nous prêtons un jour la cuisine du Chalet au boucher pour une distribution de viande de veau. On fait le gué et chacun vient à l'aube chercher son morceau, garde-champêtre en tête. Nous aidons les Auger à faire la moisson. La récolte est belle. Mais où ira ce blé ? Nous glanons dans les champs et essayons de faire de la farine en moulant le grain dans un moulin à café. Nous grillons aussi des grains pour remplacer le café introuvable. Nous manquons aussi de linge, de souliers. Ceux-ci ont des semelles en bois.
La plage est inaccessible, les falaises interdites et minées. De temps en temps, des mines sautent. A Yport on peut accéder à la plage. Les bateaux ont des voiles de fortune misérables. La pêche n'est autorisée que certains jours et les barques ne doivent pas s'éloigner. Si un pêcheur franchit la limite convenue, il est rappelé à l'ordre par les coups de canon ou mitrailleuse. Les Allemands prélèvent un grand pourcentage de la pêche. L'impossibilité d'accès de beaucoup de plages restreint la pêche à la rocaille. Les Allemands pillent et saccagent : hêtres coupés dans la vallée, maison des Beguin démolie après pillage complet, leur barque emportée à Yport et brûlée (j'ai essayé en vain d'intervenir).
Le beau temps se prête aux bombardements. La nuit, on entend souvent des détonations. Les falaises sont minées et l'accès en est interdit. Des Français collaborent avec les Allemands, tandis que, par ailleurs, la résistance s'organise. Parfois, des nouvelles circulent de bouche à oreille, car la radio est pro-allemande ; les émissions anglaises ou clandestines sont brouillées par un bruitage qui en rend l'audition très difficile, sinon impossible. Des petits postes à galène remplacent clandestinement les postes de radio que beaucoup ont dû remettre aux Allemands. Nous avons caché les cuivres qu'il fallait remettre aux Allemands.
Après la confirmation de la mort de Jacques, je suis retournée un peu à Paris près des parents. A la suite d'un sabotage, il y a eu des représailles à Vattetot et à Vaucottes. Toutes les jeunes filles sont réquisitionnées pour creuser des tranchées sur les falaises. Je suis déjà partie quand l'ordre m'arrive. Je ne l'ai appris qu'à mon retour et n'ai pas été recherchée. Cela a duré, je crois, une huitaine de jours, et chacune en a fait le moins possible, sans être trop ennuyée par le soldat qui les gardait. Un jeune homme des Loges accusé d'avoir coupé un fil est fusillé par les Allemands. On est sans nouvelles d'un autre accusé du même délit. En août 1942, tentative d'assassinat contre Laval et Déat. Les Parisiens sont en pénitence. La démission de Mussolini nous a remplis de joie. Geneviève qui ne dormait pas en écoutant les nouvelles est venue me réveiller au milieu de la nuit pour m'annoncer cette nouvelle. J'ai un peu râlé d'être réveillé, mais après quelle joie !
Le 17 août 1942, Joseph Thieulent vient nous annoncer que les Anglais débarquent à Dieppe. On parle d'une marche à toute allure sur Rouen. Ça nous rend septiques. Nous sommes tous très excités ; on cherche dans les armoires ce qu'il reste de provisions pour faire une fête aux alliés. Est-ce le débarquement ou seulement un coup de mai comme celui de Bruneval où les Anglais ont détruit un important poste de repérage qui aurait empêché les Allemands de déceler à temps la présence d'avion lors du bombardement du 3 mars sur les usines Renault à Paris. Nous sommes rassemblés autour du poste de TSF, heure par heure. Nous sommes en état d'alerte, sur le pied de guerre, les Allemands terrés comme des lapins dans leurs blockhaus, plusieurs routes barrées, détonation en mer, c'est plus sérieux qu'à Bruneval. Puis, déception ! Les Anglais ont rembarqué avec leurs tanks, après de violents combats et pertes des deux côtés. La population est restée calme. Les avions cessent leurs ronflements incessants. Hélas ! Ce n'est qu'un essai de débarquement. Du coup, nous voilà en pénitence : interdiction de sortir avant 7 h 30 le matin et après 9 h du soir ; interdiction de sonner les cloches. Alors, monsieur le Curé fait annoncer la messe par un enfant de chœur qui parcourt le village en agitant une clochette.
A Yport, les Allemands construisent un mur, bouchant la rue qui conduit à la plage; le garde-champêtre passe, annonçant l'interdiction de jeter de l'eau dans les rues. Mais le ciel s'en moque et devient noir ; une brusque tornade s'abat sur Yport et Vaucottes ; la pluie tombe si fort qu'on ne voit plus rien. En quelques minutes la Cavée se transforme en torrent charriant des pierres et détritus en tous genres. On ne pourrait tenir debout. Au Chalet, l'eau descend en cascade dans l'escalier venant de la Cavée. Un tuyau de gouttière se déchausse et projette un grand jet qui accroît l'inondation. L'eau gagne ma chambre. Les pieds dans l'eau glacée, nous repoussons l'eau avec un balai vidant les lessiveuses que nous remplissons à toute allure. Devant nous défilent, emportés par le courant, des racines de plants de pommes de terre, des branches d'arbres. Puis le vent tombe d'un coup comme il était venu. Le torrent s'écoule vers la mer. Le cyclone n'a duré qu'un quart d'heure, mais les charrettes de paille ont été renversées ; les chevaux terrorisés se couchaient par terre. La Cavée est ravinée. A Y port on travaille au déblaiement des rues pleines d'une boue infâme. Le barrage fait en vitesse par les Allemands pour protéger leur mur a fait dévier le torrent, aggravant l'inondation. L'eau est entrée dans les maisons. Les fioles de pharmacien sont submergées et les cachets nagent dans l'eau comme des petits bateaux. Le mur n'a pas été détruit. Résistera-t-il à une offensive ?
Août 1942. reprise du journal interrompu. Ordre des Allemands : les estivants doivent avoir quitté la côte pour le 20 août ; sont considérés comme estivants ceux qui habitaient ailleurs avant la guerre, donc c'est nous. Tant pis, on reste ! Parfois, on entend de forts ronronnements d'avion et la DCA. Fausse nouvelle sur monsieur Hareng qu'on dit être parti entre deux gendarmes à cause de l'ordre touchant les estivants. C'est inexact. Terribles bombardements au Havre. Des raids passent au-dessus de Vaucottes, mais nous épargnent. Les d'Arras qui ont eu leur maison démolie à Dunkerque se sont réfugiés à Nantes où ils subissent à nouveau de forts bombardements, viennent passer quelques jours au Chalet. Tante Madelon se réjouit du calme qui règne ici et de la perspective d'avoir une nuit tranquille. Mais non ! À 3h30 du matin, réveil en sursaut par le sifflement d'une bombe, suivi d'explosions. Ciel complètement éclairé par des fusées que nous prenons pour des lueurs d'incendie. DCA, ronronnements d'avions, ah, ça poursuit la pauvre tante Madelon ! Le lendemain, nous allons voir les dégâts seulement trois grands entonnoirs à la place des bombes tombées, heureusement, dans la nature, près de la mare haize, très près de la ferme Auger, où toutes les vitres sont cassées. On a donné du calvados aux enfants pour « faire passer la peur ». Autour, des arbres déchiquetés, des branches projetées près de la maison des Hareng. Les rumeurs vont leur train avec les fausses nouvelles. La poterie et Saint-Jouin ont été bombardés, mais l'événement est amplifié. « jcé ben, dit une jeune fille, qu'ça fait du bruit à c't'heur' ; cinquante bombes mises bas mais qu'une maison d'brûlée ! » A Yport, on annonce en effet que madame Auger a été tuée et sa maison démolie, alors comme on l'aime bien, c'est un défilé d'Yportais à Vaucottes, stupéfaits d'être reçus par madame Auger en personne ! Celle-ci ne perd pas le Nord : « vous alliez perdre une matinée à mon enterrement, alors vous pourriez bien la perdre à m'aider « et tout le monde s'est mis à travailler dans les champs, de fort bonne humeur.
Je suis retournée définitivement à Paris, mais je reviens assez souvent à Vaucottes, où sont restées Geneviève et Madeleine avec les enfants. Mais Vaucottes était zone côtière interdite ; j'évite de descendre à Fécamp où il y a des contrôles. Je descends à la gare des Ifs à 10 heures du soir et fais les 10 kms à pieds la nuit, parfois dans l'obscurité complète s'il n'y a pas de brume. C'est désert , je n'ai jamais été inquiétée. Je n'ai jamais eu à me servir de mon faux certificat de domicile et fausse carte d'identité établis par un résistant du pays.
Le ravitaillement est moins difficile qu'à Paris où nous n'avons plus rien. Ici, nous avons de la viande grâce à monsieur Lambert, du lait à Vattetot. C'est plus difficile pour les légumes et les œufs. Le marché noir fait un tort énorme. Nous trouvons des champignons, goûtons aux plantes sauvages (une soupe d'orties, c'est un régal) ; comme boissons, uniquement l'eau de citerne non potable, avec parfois des petites bêtes dedans. On la fait bouillir, et on met de permanganate qui la colore agréablement. La vente des pommes de terre est interdite aux particuliers. En allant en chercher à Bordeaux-Saint-Clair, nous voyons des gens arrêtés par des gendarmes...français !
A Paris, je reçois une lettre bouleversante de Nelly Caron. En allant de Vattetot au Havre par le car, celui-ce a été attaqué et mitraillé. 18 civils ont trouvé la mort et 30 sont blessés. Nelly est sortie indemne, mais a subi un gros choc nerveux.
Au moment de la défaite des Allemands, les nouvelles sont colportées de bouche à oreille ; on s'attend à un débarquement et on est fou d'espoir. Plus tard, à Paris, ma cousine Christiane Decroix m'envoie une lettre de Caen. Ils ont vu le ciel constellé de parachutes ; c'était extraordinaire.
Vaucottes et Vattetot ont été épargnés, à part les dégâts et pillages de l'occupation. C'est pourquoi l'abbé Lebertois, curé de Vattetot, a fait élever un calvaire sur la route entre les deux villages, en remerciement d'avoir été ainsi protégés. Le clocher était un point de repère et l'on pouvait craindre que les Allemands le démolissent. Il est toujours debout et enfin le coq peut chanter victoire.
Notes de Guy Watine:
-Libération de Paris 25 août 1944
-Libération de Dieppe 1 Septembre
-Libération de Lille 2 Septembre
-Libération de Fécamp 2 septembre 1944
-Libération du Havre le 11 septembre 1944
extrait de « chemin de mémoire »
La libération commence le 6 juin 1944 avec le débarquement de Normandie et se complète en août par celui de Provence . Jusqu'en mai 1945, la poursuite de la guerre est l'objectif qui mobilise les énergies. La libération progressive du territoire s'accompagne de batailles acharnées : bataille de Normandie, percée d'Avranches, bataille des Ardennes, maquis de Saint Marcel (Morbihan), résistance du maquis des Glières et de celui du Vercors, etc. Les troupes allemandes se livrent à des massacres de représailles sur les populations civiles. Avant la Libération des exécutions et des assassinats ont également lieu dans cette tourmente de l'année 1944, de libération du territoire national, qui mettent en cause tant les occupants que la Milice. Les 2 points culminants restent la libération de Paris et finalement la libération de Strasbourg par la 2ème DB. Alors que la libération progresse, a lieu le départ du dernier convoi de déportés juifs de Drancy.
La Libération c'est aussi la restauration de la vie politique. Au fur et à mesure que le territoire connaît sa libération, les Français réinventent les institutions politiques et veulent réformer les structures juridiques et économiques du pays. Le mouvement à la Libération est double : il est inspiré par la Résistance intérieure et mené par le général de Gaulle. Les Mouvements Unis de Résistance (MUR) regroupent plusieurs autres mouvements en Mouvement de Libération Nationale (MLN) ; à la conférence de Brazzaville de Gaulle étudie les futures relations, nées de la libération, entre la métropole et les colonies.
Avant la Libération, le Conseil National de la Résistance avait adopté un programme d'action destiné à être mis en oeuvre à la libération de la France. Dans la même perspective de la Libération, une ordonnance du CFLN définit les conditions de rétablissement de la démocratie après la Libération : elle innove en prévoyant d'accorder le droit de vote aux femmes.
Avec la Libération plusieurs problèmes donnent lieu à des tensions : l'intégration des FFI à l'armée française ; les positions du PC ; l'épuration « sauvage ».
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